Une somme de détails

Publié le par Lily

Pas d'image aujourd'hui, pour accompagner cette note, parce, paradoxalement, je ne peux pas vraiment illustrer le métier de monteur...

C'est un métier dont peu de personnes parlent. Généralement parce que nous sommes voués à la discrétion. Impossible de parler de quelque chose de précis concernant un reportage ou un documentaire qui n'a pas été diffusé. D'ailleurs, hormis nos collègues de la fiction, généralement un peu plus mis en lumière entre autres grâce aux Césars, c'est une profession méconnue.

Petit dialogue édifiant et assez courant avec un chauffeur de taxi qui ma ramène chez moi sur les coups de quatre du mat' en sortant du boulot !

Lui : C'est un truc pour la télévision ça !? (parlant de l'adresse où il vient de me prendre)
Moi : Oui, oui (18 heures devant un écran, ça me rend laconique)...
Lui : Ha, vous êtes comédienne ou présentatrice ou un truc comme ça..
Moi : Non, non, je bosse de l'autre côté...
Lui : Ha ha, vous devez voir beaucoup de stars alors...
Moi : Boarf pas vraiment, je suis monteuse...

Là, généralement, deux fins possibles...

Option 1 (je t'en bouche un coin, hein) :
"Vous savez j'ai ramené Jean-Alain-Patrick Renon chez lui l'autre jour, il est très sympa !"

Option 2 (paumé) :
"Et vous montez quoi ? Sur un chantier ?"

Je vous passe l'option subsidiaire version salace jeu de mots (notez que les chauffeurs de taxi sont des gens cools hein, c'est juste pour l'exemple)...

Bizarrement, sorti du cinéma, pas grand monde n'imagine que ce qui vient de sa boîte à images dans son salon a été trituré dans tous les sens avant (même si ça change un peu avec la nouvelle génération geek). Personne ne se pose la question en fait (même moi je l'oublie).

Ce n'est pas une plainte, au contraire, puisque notre métier, lorsqu'il est bien réalisé, consiste dans le fait qu'il... ne se voit pas. Ce qui n'empêche pas le fait que des cohortes de monteurs ont contribué à cette arrivée propre et sans accroc des images dans le téléviseur...

Songez qu'un reportage de 2 à 6 minutes a nécessité entre 10 et 14 heures de boulot. Multipliez ça par le temps de diffusion de programmes de reportages et faites-vous peur...

Le monteur (ou la monteuse) est un être étrange voué à la perfection. Aucune erreur n'est tolérée. Imaginez-vous quelques images d'écran noir parce qu'on a oublié d'illustrer un commentaire. Ou bien, un faux plan (=une image subliminale), ou bien encore, depuis l'avènement du 16/9ème un plan où l'intervenant (=l'interviewé) serait applati (chaque seconde durant 24 images)...

Le truc vous sauterait aux yeux et vous ferait perdre le fil. Chaque plan doit être parfait, étalonné (pas de noir trop collé (=trop noir) ou de blanc trop blanc (=cramé ou explosé ou surex selon l'humeur), des couleurs normales qui vont bien avec la colorimétrie du plan d'après et celle du plan d'avant, une qualité d'image broadcast (=diffusable). Ca ce sont quelques contraintes techniques.

A côté de ça, on aide le journaliste ou le réalisateur à organiser la construction du reportage, sélectionner les sonores (=extraits d'interviews) et illustrer musicalement et visuellement ses plages de commentaires... Et pour finir, rendre le reportage visuellement attractif et de son temps avec des effets visuels.

...

Bon, cette note part en sucette parce que j'avais prévu de vous parler du documentaire, ce que je suis en train de monter en ce moment et qui est plutôt une course de fond qu'un sprint (version reportage de flux). Et là je fais un cours semi-intéressant  (neuneu ?) sur le métier de monteur. M'enfin...

Oui, j'avais prévu plutôt un truc plus poétique... Parce que c'est un métier génial (pas forcément très gratifiant, mais génial). Le hic étant qu'à la télé d'aujourd'hui, on réduit les coûts alors bon, des fois, c'est juste une longue, très longue, course contre la montre et on n'a plus le temps de chercher le mieux, mais faire seulement propre, pour tenir encore debout à la fin de la semaine. C'est dommage. On en perd le sens de l'image et de l'imaginaire. La recherche visuelle n'est plus (ou beaucoup moins) possible. Et la télé va finir par visuellement s'appauvrir.

...

Bref, en ce moment je suis en mode coureuse de fond. Trois semaines de travail pour 52 minutes de documentaire. Les délais sont  courts mais pas intenables. Et là ça devient plus réfléchi. On n'est plus dans l'urgence mais dans la cohérence... On revient à la base de la lecture de l'image. Que signifie un fondu au noir ou bien un plan large suivi d'un plan serré en matière de langage visuel, tout ça.

Là, je vis avec le documentaire, je mange avec, je travaille avec et... je dors avec (si, parce que ça continue de cogiter pendant la nuit).

D'ailleurs, je vais terminer cette note en queue de poisson et là parce que je n'arrive pas à écrire un texte cohérent mais un truc imbitable et pédant... Merde, ça m'agace, impossible d'écrire bien ce foutu métier.

En même temps, la queue de poisson, c'est une bonne chute, c'est un docu en rapport avec les marins, alors...

Hum. J'y reviendrai peut-être ce week-end à tête reposée. Et posée tout court.
Note en suspens...

Bonne nuit les petits (haaaa, vite mon oreiller).

Publié dans La Vie d'Artiste

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L
Merci miss Sam...<br /> Je ne pense pas non plus que le métier disparaisse... Mais peut-être une manière de le pratiquer et de l'envisager. En ce moment, l'esthétisme et le bien fait n'ont plus tellement la côte. Vite fait bien fait, et zéro recul.<br /> On verra ;)
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S
Eh bien si, tu parles très bien de ton métier, la preuve, j'ai tout compris ! Et les anecdotes m'ont bien faite rire ! Mais c'est tout de même très difficile de s'imaginer tout le travail que c'est pour un tout petit reportage. A priori, c'est un métier qui ne risque pas de se perdre car il faudra toujours des hommes ou des femmes pour " monter ", à moins qu'ils inventent une machine en remplacement. <br /> Bref, le montage c'est comme tailler une pierre brute et lui donner une forme esthétique...
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